Les risk managers européens réagissent aux conclusions alarmistes du Rapport sur les risques mondiaux 2019 publié par le Forum économique mondial (FEM)

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La polarisation des politiques et des sociétés ainsi que l’affaiblissement des systèmes juridiques internationaux sont les grands titres du Rapport sur les risques mondiaux 2019 du FEM, publié à l’occasion du forum de Davos. 

Ce rapport indique que le monde est peut-être en train de s’enfoncer dans la crise sans s’en rendre compte : alors que les risques macroéconomiques augmentent, la volonté de les combattre au plan mondial faiblit.

Le FEM indique que les risques liés aux événements climatiques extrêmes sont exacerbés, mais qu’il devient de plus en plus difficile de les prévenir en raison du délitement géopolitique mondial.

« Il est impossible d’arrêter la mondialisation, le génie de la transformation est sorti de sa bouteille. »

Børge Brende, le Président du FEM, admet lors de la présentation du rapport aux journalistes à Londres que « notre capacité de collaboration pour atténuer ces risques s’affaiblit ».

Børge Brende souligne également que, le jour où l’économie rentrera en récession, les banques centrales n’auront que très peu de leviers à leur disposition, les taux d’intérêt étant déjà proches de zéro.

La confrontation des tendances protectionnistes avec les menaces à l’échelle mondiale — les risques pesant sur le commerce, les cyberattaques et l’automatisation des technologies — n’annonce rien de bon pour les affaires.

Julia Graham, la Directrice générale adjointe de l’association britannique de risk management, conclut ainsi : « Il est impossible d’arrêter la mondialisation, le génie de la transformation est sorti de sa bouteille. »

Reprendre le contrôle

Les politiques protectionnistes, telles que la guerre des tarifs douaniers menée par Donald Trump contre la Chine, le populisme, avec le Brexit et sa volonté de « reprendre le contrôle » ou encore les troubles sociaux avec le mouvement des Gilets jaunes, contribuent à obscurcir l’horizon macroéconomique des entreprises.

« Quand on cherche à atténuer complètement un risque, il est probable qu’on en crée un autre. Les actions d’atténuation sont rarement infaillibles : ce qui est important, c’est d’éviter les phénomènes de chambre d’écho. »

De plus, les risques politiques évoqués par le rapport 2019 font que les entreprises se sentent moins capables de contrôler ou d’avoir prise sur ces risques macroéconomiques et sociétaux, tant au plan national qu’international.

« On trouve des exemples de troubles sociaux et de polarisation politique partout dans le monde, avec le niveau de contestation le plus élevé en France », affirme John Drzik, Président de la division Risques mondiaux et services numériques chez Marsh.

Selon Hans Læssøe, le fondateur du cabinet de conseil AKTUS et ancien Risk officer en chef chez Lego, la France est le pays européen où les mouvements sociaux ont historiquement l’impact politique le plus fort. Les réseaux sociaux amplifient d’ailleurs ce phénomène.

« Les émeutes en Allemagne ou au Royaume-Uni ne changent pas la donne ; en France, elles font souvent plier les gouvernements, avance Hans Læssøe. Les risques liés à un mécontentement du public sont très perceptibles dans le cas de la France. »

Une question de préparation

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Comme John Drzik l’affirme, la résilience passe par une solide préparation des scénarios en amont. Les risques potentiels (troubles civils, changement de la politique d’immigration affectant les employés de l’entreprise, dysfonctionnement des infrastructures) peuvent tous créer des perturbations.

« Soyez proactifs, affirme John Dzrik. Nous vous recommandons de préparer davantage de scénarios et de réponses à apporter. Le risque cyber, qui relève presque de la fatalité, en est un bon exemple. »

Pour Karla Gahan, Responsable mondiale adjointe des risques et conseillère chez VinciWorks, les exercices « sur papier » permettent de mettre en lumière les risques, mais les exercices grandeur nature sont préférables pour déterminer les résiliences et orienter les plans de continuité des activités.

« Faites des exercices réels, assure Karla. La mise à l’essai est cruciale. Que se passe-t-il si, par exemple, vous ne pouvez pas accéder à vos locaux ? Pouvez-vous basculer votre activité sur un autre site ? Sur un autre pays ?

Si votre solution consiste à laisser vos employés travailler depuis leur domicile, est-ce que ceux-ci auront suffisamment de bande passante ? Le droit du travail français vous permet-il de le faire ? »

Pour Eugénie Molyneux, Responsable en chef des risques auprès de la branche commerciale du groupe groupe Zurich Insurance, une équipe pluridisciplinaire est mieux équipée pour analyser les scénarios possibles. Les risques interconnectés restent cependant difficiles à maîtriser.

« Les entreprises se concentrent sur les risques politiques et les échanges. Le climat n’est pas à leur ordre du jour : c’est à la société civile de prendre le relais. »

« Quand on cherche à atténuer complètement un risque, il est probable qu’on en crée un autre, explique Eugénie. Les actions d’atténuation sont rarement infaillibles : ce qui est important, c’est d’éviter les phénomènes de chambre d’écho. »

Le changement climatique est un risque encore plus sensible pour 2019, et il devrait faire l’objet d’une analyse de scénario. Le danger est que les entreprises se focalisent sur les menaces à court terme tout en oubliant des risques climatiques graves, mais perçus comme étant à plus long terme.

« Les entreprises se concentrent sur les risques politiques et les échanges, conclut Alison Martin, la Responsable en chef des risques pour le groupe Zurich Insurance. Le climat n’est pas à leur ordre du jour : c’est à la société civile de prendre le relais. »