Lors d’un entretien avec StrategicRISK avant le débat de ce matin sur L’assurance de demain, Laurent Rousseau, DGA chez SCOR, et Corinne Cipière, Directrice générale et marketing chez AGCS évoquent pour nous l’impact de la numérisation

En créant des risques nouveaux et complexes, les avancées technologiques transforment le risk management.

Lors d’un entretien avec StrategicRISK avant le débat sur L’assurance de demain, Laurent Rousseau, le Directeur général adjoint de SCOR, indique que « les technologies nous permettent de mieux comprendre le risque. Leur progrès permet un niveau de mesure de plus en plus fin ainsi que de repousser les limites en matière de mutualisation des risques. »

Hélas, ces mêmes technologies tendent à aggraver les risques traditionnels. À l’ère numérique, les risques émergents arrivent souvent masqués. Pour Corinne Cipière, Directrice générale et marketing chez AGCS, les voitures sans conducteur en sont une bonne illustration : leur profil de risque en responsabilité civile peut affecter le conducteur, mais aussi le constructeur et les concepteurs.

L’interconnexion

L’interconnexion des risques cyber est un nouveau danger qui donne des cauchemars aux risk managers. D’après Corinne Cipière, la dépendance accrue des entreprises aux technologies et aux accès informatiques à distance génère autant de vulnérabilités. Et le risque n’a rien de minime !

Selon elle, si le risque cyber est en tête de classement dans le baromètre Allianz et une préoccupation majeure des risk managers, c’est à cause de la nature globale de ce celui-ci : « C’est la menace la plus redoutée, car elle peut frapper à tout moment, n’importe où ».

Laurent Rousseau rebondit sur lce sujet de l’interconnexion : « Au cours des 15 dernières années, l’importance des actifs incorporels, tels que les marques, l’image et les logiciels, a explosé par rapport aux actifs corporels. Les applications conquièrent le monde.

« Les risques tangibles sont de mieux en mieux cernés et l’Internet des Objets (ou IOT), avec tous ses capteurs en ligne, sera un jour capable d’évaluer l’obsolescence d’un immeuble ou d’une usine. On maîtrisera ainsi bien mieux les risques matériels. Mais les dommages aux actifs incorporels deviennent le sujet majeur.

Les risk managers vont devoir se familiariser avec leurs systèmes informatiques et avec les technologies :; ils devront penser en termes de plan d’urgence plutôt qu’aux dommages matériels. L’interruption d’activité va prendre le pas sur les sinistres classiques.

« La nature des risques évolue et les risk managers vont devoir se familiariser avec leurs systèmes informatiques et avec les technologies : ils devront penser en termes de plan d’urgence plutôt qu’aux dommages matériels. L’interruption d’activité va prendre le pas sur les sinistres classiques. »

La désintermédiation

Les courtiers sont également touchés par la numérisation croissante. Leurs modélisations d’exploitation sont particulièrement affectées. Les clients potentiels se tournent de plus en plus vers les sites d’agrégation et de comparaison pour les lignes d’assurance personnelles. Laurent Rousseau pense que les assurances d’entreprise pourraient, elles aussi, suivre cette tendance et menacer l’activité des petits courtiers.

Il note que « la révolution technologique représente un énorme défi pour les intermédiaires. »

« J’ai commencé ma carrière sur les marchés de capitaux, dans une salle de marchés, poursuit-il. On disait alors que le courtage était avant tout une affaire de personnes. Aujourd’hui, tout se fait en ligne. Il y a bien entendu une différence entre la finance et l’assurance, mais on peut tout de même se demander quel est l’avenir du courtage en assurances.

« C’est l’une des clés d’interprétation de la fusion Willis Towers, de la stratégie du groupe Aon et des efforts que font les courtiers pour se transformer en consultants et se dégager d’un positionnement d’intermédiaire pur.

« La tendance est amorcée pour les assurances de véhicules et de domiciles : les nouveaux contrats se signent de plus en plus souvent en ligne. La question reste de savoir comment la désintermédiation va impacter la chaîne de la valeur et des risques, notamment pour les PME. »

Laurent indique cependant que cette évolution sera extrêmement lente, dans la mesure où les courtiers tiennent le marché et que leur influence est croissante.

Corinne Cipière admet elle aussi qu’il y aura des turbulences, mais elle pense que les courtiers et la dimension humaine ont encore un grand rôle à jouer.

« La question sempiternelle est de savoir si tout ça remplacera un jour les humains. Je n’ai pas de boule de cristal, mais je pense que la notion de confiance reste primordiale.

« Dans le secteur de l’assurance, les entreprises paient une prime contre la promesse que, si un jour les choses tournent mal, on viendra à leur rescousse pour les aider à redémarrer. Cela requiert de l’empathie, des qualités humaines et un sens du service client.

« Internet permet certes de comparer les solutions. Mais lorsqu’il s’agit de signer le contrat, un client voudra le plus souvent avoir un interlocuteur en face de lui pour en discuter. »